J’ai effacé avec rage les premières phrases de cet article. Elles étaient pessimistes, sauf qu’elles ne l’étaient pas assez à mon goût. Je voulais, en quelques mots, dire tout mon dégoût, toute ma peine, toutes les raisons qui me faisaient croire que rien n’irait jamais pour le mieux. Nous nous sommes réveillés un jour et nous étions là, sur cette terre. Et depuis, nous avons vu chaque jour pourquoi nous aurions voulu naitre ailleurs.

Je vous interpelle. Oui, je vous pose la question : avez-vous foi dans l’avenir de ce pays ? Ne l’esquivez pas. Ne faites pas l’Haïtien en me disant ce que vous croyez que je voudrais entendre. En fait ne me répondez pas, répondez à vous-même. Y croyez-vous ? Prenez un instant et ne vous mentez pas pour une fois.

Je me suis réveillé ce matin et j’étais calme. C’est le sentiment qu’on a quand on éteint la radio, et qu’on se met en mode anti-mauvaises-nouvelles. Du calme. Aucune caravane budgétivore et inutile. Aucun élu analphabète ou en tout cas très proche de l’être. Aucune réclamation de salaire minimum si minimal qu’on ne voit pas à quoi il va servir. Du calme. Vivre sous une cloche de verre.

Et puis comme c’était à prévoir j’ai quand même reçu ces mauvaises nouvelles que je fuyais. A croire qu’elles me surveillent, prêtes à m’assaillir à la moindre inattention. J’ai entendu dire que nous étions le nouveau peuple d’Israël, et que désormais après la pluie venait le riz. Et comme des chiens affamés squattant les poubelles, nous nous sommes précipités sans un et si. Sans un pourquoi. Sans un peut-être. Manger. Manger. Qu’importe la provenance si notre ventre déborde ? Ça me rappelle le fou rire que j’ai eu un jour en voyant qu’il existait en Haïti un conseil national de la sécurité alimentaire.

Le danger pourtant n’est pas là. Il est dans le fait que désormais, assurément, dans les sermons du dimanche, ces mêmes palabres qui nous zombifient, tout le monde dira que les cieux se sont ouverts et qu’ils nous ont couverts de riz. Nous sommes le peuple choisi. Absurde. Je souhaite vivement que soit retrouvé le rigolo à l’origine de tout ça.

Ah et il paraît aussi que l’Enarts a pris feu ? Et qu’en plus les sapeurs-pompiers, (bien grand mots pour des colporteurs d’eau), ont essuyé des jets de pierre à leur arrivée ? Accident ? Incendie criminelle ? Revendications suicidaires ? Nous ne le saurons probablement jamais, comme nous n’avons jamais su si ces comptes en dollars et en gourdes étaient en gourdes ou en dollars. Je sais que mon regard se pose au même endroit que vous et je ne détournerai pas le mien.

J’ai perdu espoir dans nos chances de survie le jour où nous sommes retournés à notre vomi. Et depuis nous ne cessons pas. La mémoire de ce peuple est donc si courte ? Ou bien tout simplement nous nous foutons royalement de tout le mal qu’on nous fait ? Je l’ignore. Je sais seulement que si Alice était venue ici, son histoire n’aurait pas été si belle.

 

Jameson FRANCISQUE

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